22.12.11

21 décembre 2011



Le temps et sa géographie

Temps et géographie au plus resserrés, temps qui passe, temps bon à se tenir au chaud. Le jour le plus court de l'année, à la maison. On a fait mijoter des bouillons de réconfort, on a compté les alcools et écrit des lettres à la main. Hier soir, il faut le croire, un sapin fut même décoré à la maison avec l'aide et le regard de Rio qui, de la sagesse de ses dix ans, sait que l'odeur et la silhouette de l'arbre aident beaucoup la traversée de ces jours. Paradoxalement, ça permet de se tenir éloigné du Noël sordide qui emplit nos rues de gens absents qui courent et courent. Ce soir, la pluie verglaçante n'a pas empêché d'aller lentement écouter les amis Glenn Jones et Cian Nugent à la Casa del popolo. On se réchauffe comme on peut, sur des cordes de guitares bien sèches et douces, ou en écoutant oncle Glenn raconter les aventures de John Fahey comme lui seul sait le faire. Hostie de comique.


En tête

En tête, pas grand-chose, ou trop de choses. C'est ça, hiberner son jour le plus court. Mais tout de même, encore un poème trouvé qui semble coller juste — à ce jour de peu de lumière, oui, mais surtout à cette musique. En tout cas, j'ai lu par hasard ce court texte (qui est de George Oppen) en écoutant ce Canto do amanhecer.

LE POÈME

Poésie du sens des mots
Nouée à l'univers

Je crois qu'il n'y a pas de lumière en ce monde
sinon ce monde

Et je crois que la lumière est







À venir

En février qui vient, L'Oie de Cravan aura 20 ans. Voilà qui est à peine croyable. Et pour l'instant, on va rester incrédule. Que faire de cette information, sinon rêver aux livres qui viennent, aux livres ralentisseurs de l'année à venir ? Rêvons à tout hasard de textes de Joël Gayraud, Laurent Albarracin, Shawn Cotton, Bérengère Cournut, Thierry Horguelin et Katerina Iliopoulou ; de livres d'images de Simon Bossé et Michel Hellman ; et d' une traduction de Edgar Allan Poe par Alice Becker-Ho. Tout cela, ce serait déjà célébrer. On trouvera bien, en plus, le moyen de lever notre verre à la santé des ans !



8.12.11

On ouvre un livre au hasard et on lit



Toutes mes bêtes sont endormies
Je suis trop loin
La vie est plus belle qu'on ne le dit
Plus longue que je ne croyais

J'entends crier dans mon sommeil


Jehan Mayoux, Au crible de la nuit

7.12.11

On ouvre un livre au hasard et on lit



Je ne sais pas mais je SAIS
Voilà ma saison qui anticipe sur l'automne dans les pays
où il ne fait jamais nuit
Où les jours ne diminuent pas de la respiration d'un
oiseau qui vole
S'il vole c'est que je SAIS
L'hirondelle a la forme de mes mains
C'est pourquoi elle rase le sol quand il va pleuvoir
Mais il fait beau si beau que ce n'est plus ici ni ailleurs
C'est plus tard dans une clairière
Dans une clairière tout au fond d'une mine
Où plonge un ascenseur empli de pierres
Qui sait
Chute du ballon
Savoir est très court et ceci de par tous les alphabets
du monde
On dit savoir comme on dit Je t'aime
Mais les lèvres n'ont pas toujours pour elles le rayon de
soleil qui fait que dans certains pays il ne fait
jamais nuit
Les lèvres ne sont pas toujours ces échelles de soie
Les lèvres ne s'entrouvrent pas toujours sur ce
qu'on SAIT
Quand on croit à la divination à son long
cortège d'astres et de corolles
Corolles ai-je prononcé le mot Corolles
Corolles je SAIS Dans cette corolle il y a
un haut-le-corps.

André Breton

16.11.11

Les nouveaux visages


La réédition de Nombreux seront nos ennemis.
Premier titre de notre collection de poche
petites pattes à ponts
dont la devise est
« Les petits pas font les grands ponts ».
En librairie.



Le nouveau Michel Garneau. Une petite merveille.
En librairie à la fin du mois.


30.9.11

On ouvre un livre au hasard et on lit



Ni l'espérance ni la fortune
Mais la petite fleur desséchée dans un livre
Dont il reste seulement la cendre d'amour

— Comment mourir
Quand on peut encore rêver

Georges Schehadé, Le nageur d'un seul amour




21.9.11

AUBERT & DESBIENS, gentlemen poètes



ENTRE LA VILLE ET LE BOIS
ROBIN AUBERT ET PATRICE DESBIENS
FONT LA FÊTE AVEC L'OIE!




Voici que s'approche le morceau de bravoure de l'automne. Une célébration hors de l'ordinaire pour deux poètes hors normes qui ont pas mal de choses en commun. L'un est un vieux routier du poème, plein de jeunesse; l'autre est un jeune poète qui est déjà un vétéran du cinéma. Venez découvrir

POUR DE VRAI de Patrice Desbiens

&

ENTRE LA VILLE ET L'ÉCORCE de Robin Aubert


JEUDI 29 SEPTEMBRE 2011
à l'interlope mais inamovible librairie Le port de tête
262 rue Mont-Royal Est, à Montréal
à partir de 18 heures et jusqu'à plus soif (ou fermeture)

Alcool, femmes et hommes ne manqueront pas ! Barbecue dans la cour cuisiné par un chef libraire-corsaire comme on n'en fait plus ! Robin Aubert et Patrice Desbiens, n'écoutant que leur courage, vous feront lecture d'extraits affriolants de leurs ouvrages. Beau monde et gueules patibulaires se mélangeront lors de cette soirée éclectique. Venez nombreux ! Avec vos sous ! Il est permis d'apporter son boire et sa bonne humeur !




19.9.11

GLENN GOLUSKA (1947-2011)



C'est hier seulement, me préparant au lancement du Bathyscaphe, que je suis tombé par hasard dans Le Devoir sur cette triste nouvelle : Glenn Goluska est mort le 13 août dernier à 64 ans.
Un typographe exceptionnel, un des derniers avec un atelier d'imprimerie au plomb et une linotype à Montréal, il nous avait donné plusieurs polices pour aider à faire le Bathyscaphe. Il animait L'Imprimerie Dromadaire à Toronto dans les années 80, une maison d'édition qui ne produisait que de petits chefs-d'œuvre typographiques, puis il est devenu le graphiste attitré du Centre Canadien d'Architecture. Son travail était impeccable, d'un goût parfait. Il était surtout très gentil, attentif. Un regard, une présence, uniques.

Liebhaber's wood type par Robert Kroetsch
(Imprimerie Dromadaire, 1987)

17.9.11

UN BEAU DIMANCHE :
TYPOGRAPHIE, BATHYSCAPHE & JULIE



La science l'a prouvé
Nous allons le prouver également:
certains dimanches d'automne sont magiques

DIMANCHE 18 SEPTEMBRE 2011
Librairie Le Port de tête
262 rue Mont-Royal est
à Montréal
à partir de 17 heures

il y aura une fête épatante
pour trois publications des plus inhabituelles

D'abord L'Oie de Cravan vous présente
TYPOGRAPHIE INUSUELLE de Marc Pantanella
Jamais vous n'auriez cru que la typographie puisse vous faire sourire de cette façon.
Regardez un peu ici: il faut le voir pour le croire!


Il y aura aussi
JULIE DOUCET
et sa revue underground
DER STEIN #8
en allemand!
tirage limité!


et puis
la fameuse revue
underwater
LE BATHYSCAPHE #7
en anglais & français!
tirage un peu moins limité!



Qui sont le mystérieux Docteur Tran et le joueur de tuba des rails du Mile-End ?
Que sont les jardins anarchiques de Bruno Montpied ?
Que se passe-t-il à Albuquerque (par-delà le bien et le mal) et à la Jack Kerouak School of Disembodied Poetics (Naropa) ?
Que chantent Captain Beefheart, les Throwing Muses, Michael Hurley, Jacques Higelin et Éric Lapointe (oui, même lui) ?
Comment promener son ennui à bicyclette au Lac Saint-Jean?
Quid du train fou de Cascadia et de la course aux écoles publiques?
Que disait Jean Benoît ?
Qu’a peuvent les cartes divinatoires d'Odilon-Jean Périer ?
Que lisait Pierre Peuchmaurd ?
Quels sont les secrets de l’Autre Monde ?
Comment filme-t-on Montréal ?
Et le cybersexe dans tout ça ?

Anne-Marie Beeckman, Jean-Yves Bériou, Daniel Canty, Maïcke Castegnier, Geneviève Castrée, Maxime Catellier, Benoît Chaput, Byron Coley, Bérengère Cournut, Patrice Desbiens, Julie Doucet, Hélène Frédérick, Joël Gayraud, Sarah Gilbert, Dan Hillier, A.J. Kinik, Gabriel Landry, Gabriel Levine, Setrak Manoukian, Thurston Moore, Antoine Peuchmaurd, Barthélémy Schwartz et Valérie Webber font toute la lumière sur ces épineuses questions.
Sans oublier la typographie inusuelle de Marc Pantanella et le jeu impossible de Thierry Horguelin qui vous apprendra comment aller de Jules Verne à Jules Verne.

LE BATHYSCAPHE EST UN ESQUIF SANS PUBLICITÉ NI SUBVENTION !
C’EST VOUS QUI FAITES TOURNER L’HÉLICE !
CULTURE INACTUELLE
- PLAISANTERIES DOUTEUSES -
ÉQUIPE INTERNATIONALE

Il a y aura boissons et joie pour tous les âges! Un joueur de Tuba viendra appeler les dauphins! Ils ne viendront pas! Le personnel sera charmant! Les croustilles seront fraîches! Vous y rencontrerez peut-être une des personnes nommées plus haut! Elle sera peut-être gentille! Ah, les dimanches! Ah, la vie!



Le prochain lancement de L'Oie aura lieu au même endroit le 29 septembre : PATRICE DESBIENS ET ROBIN AUBERT AU MÊME PROGRAMME. Plus de renseignements très bientôt ici même.

3.9.11

3 septembre 2011



Le temps et sa géographie

C'est la lourdeur des adieux de l'été, en attendant la fraîcheur de l'automne. Ce couvercle de suie et d'humidité sur la ville, on attend qu'il craque et se répande en pluie. Le ciel sait attendre ; nous, on s'impatiente. On tourne en rond comme la bête, on rêve d'une douche, d'un lac, d'un océan tout confort ou alors, d'un orage dévastateur. On n'aime pas ça. Le chat Charbonneur, notre seule bête, n'est pas idiot : il dort, il dort, il dort. Ce sommeil est le seul choix valable mais, par ce temps, le temps lui-même s'agite et nous bouscule. Il ne veut décidément pas de notre repos. La « rentrée » est une chose à laquelle il n'est pas besoin de croire pour en sentir les effets. La ville redevient une ville et les gens semblent se multiplier et ne pouvoir calmer leur agitation. Il s'agirait d'être partout à la fois. Bien. Tout cela décidément nous dépasse. Nous sommes ici, à peine, et aujourd'hui c'est déjà trop. Ici, donc, il y a des livres à faire. Des livres que l'on aime. Mais l'amour sous les tropiques ne va de soi que dans les films.

En tête

D'abord évoquer quelques petites douceurs, des petites bises fraîches qui sont les bienvenues. À commencer par cette entrevue avec Thierry Horguelin au sujet de ses deux livres publiés à L'Oie de Cravan. C'est bien l'homme, c'est bien l'auteur que nous aimons. Aux États-Unis, les gens de la curieuse petite revue Birkensnake s'intéressent à son travail. Leur numéro 4 vient de paraître et on peut y lire en traduction certains extraits du Voyageur de la nuit. Notre anglais est bien peu maternel mais il nous semble que cette traduction toute en finesse rend justice à la précision des notes du Voyageur.
Ce qui fait plaisir aussi, c'est la façon dont les livres bilingues du critique Byron Coley et du chanteur Michael Hurley, nos deux dernières publications, sont reçus par le monde anglophone.
Ainsi Richard Meltzer, un des fondateurs de la critique rock américaine, nous a écrit pour nous dire tout le bien qu'il pense du livre de Byron. On trouvera aussi ici le bel article consacré à ce livre par le journal anglais The Wire.
Puisque on est dans les prétentions internationales, il faut signaler un événement local sur lequel souffleront des vents d'ailleurs : c'est tout bientôt, à la librairie Le Port de Tête, que nous allons lancer un petit livre dont nous sommes fiers. Il s'agit de Typographie Inusuelle de Marc Pantanella. Le livre est drôle et typographiquement étourdissant. Il est aussi très beau, puisqu'il s'agit d'une coédition avec les éditions Finitude de Bordeaux qui se sont chargés de la couverture avec le métier et le goût qu'on leur connaît. Seront lancés au même moment le numéro 8 du fanzine Der Stein de Julie Doucet, en allemand, warum nicht ?, et Le Bathyscaphe numéro 7 — avec de fameux articles, dont le reportage de Thurston Moore sur le centre de poésie Naropa de Allen Ginsberg, ainsi qu'une entrevue de Maxime Catellier avec Jean Benoit. Tout cela nous fait comme un petit frisson de fraîcheur dans le dos! On donne plus de détails très bientôt.


À venir

Voilà qui rafraîchit mais n'est pas la pluie ; n'est pas l'automne. Le vrai tournant de saison reste à venir et ce sont nos imprimeurs qui l'ont entre les mains : deux livres cousins qui marqueront le tournant des jours. Patrice Desbiens et Robin Aubert. On en parlera, il fera bon alors.




26.8.11

On ouvre un livre au hasard et on lit



La gare de l'éternité


Ce quai désert s'allongeait
au milieu de la campagne
avec les vifs coquelicots,
les bardanes, les matricaires.

Il y a soixante ans,
tu étais là dans le reflet
de la plaine tremblante
et des horizons amis

Perdue comme aujourd'hui
avec toi-même à jamais
l'identique assemblée
des mouches ensoleillées
et des fleurs banales
ne fut autre que l'éternité

Si tant de fois sont mortes
les existences frèles pourquoi
leur rayonnement rêveur
s'annonça-t-il impérissable?

Ce qui te fut donné
il y a soixante ans
avant l'heure du train
c'était la même minute actuelle
traversant ciel et terre
dans un temps éclaté
qui restait immobile.
André Dhôtel


26.4.11

Vendredi 6 mai
Triple lancement sauvage pour tous les animaux




Images sauvages, musiques sauvages, paroles sauvages :
ce sont les nouveaux livres que nous lançons,
c'est la soirée que nous vous proposons!

Venez célébrer avec nous la sortie de :

C'EST LA GUERRE — EARLY WRITINGS 1978-1983
de Byron Coley


PAROLES DE CHANSONS de Michael Hurley

HOLY MOLY de Jeff Ladouceur


Lecture de Byron Coley accompagné à la guitare par Glenn Jones

*

Hommages musicaux à Michael Hurley par

Thomas Hellman
Emilie Clepper
Gabriel Levine (Sackville, Black Ox Orkestar)
Jessica Moss (Black Ox Orkestar, Silver Mount Zion)
Nadia Moss (Frankie Sparo, The Witchies)
Keiko Devaux (People for Audio, Acorn)
Marcus Lobb (Burial Song)
Matt "doc" Dunn (MV & EE)
Jessica Moore (Charms)
Marie Frankland + Myriam Gendron + Annie Goulet
O the fool
(Justin Karas, David Sheppard, Hannah Rahimi & Greg Burton)


Le vendredi 6 mai
à la Sala Rossa de Montréal que l'on retrouvera sans surprise au 4848 boulevard Saint-Laurent. Seulement 10 dollars du Canada à la porte, à partir de 20h30. Venez tôt, on ne prend pas les réservations!

Bas prix sur les livres! — Gros prix sur les rares posters ! — Joie infinie ! — Éditions limitées !
& le délicieux personnel de la Sala Rossa..
.


Je ne sais que dire d’autre au sujet de ce qu’il chante et écrit sinon que c’est divinement génial. Quelle sorte de musique joue-t-il ? Diable, quelle sorte d’herbe le bon dieu fait-il pousser ? Je propose de simplement nous taire, d’écouter et d’aller rejoindre Michael Hurley. Après tout, nous pouvons toujours faire demi-tour et revenir. Pas lui.
- Nick Tosches


Je posais mes questions sur les artistes ou les groupes à Byron parce qu’il semble qu’il n’y a rien ni personne dans le monde de la musique que Byron Coley ne connaisse à fond.
- Henry Rollins, LA Weekly, Février 2011


Entrer dans le monde de Jeff Ladouceur, c'est un peu perdre pied, accepter l'évidente proximité d'un monde où les humains désarmés et en culottes courtes feraient corps avec un bestiaire étrange.
- Aurore Lehman. Voir, mars 2005


Heeeee haaaaaaaaw!

(Pour voir les livres, il suffit de lire l'entrée précédente de ce blog)

(Le lancement de Toronto, le 16 avril dernier, s'est très bien passé merci : on peut en voir quelques images ici)

21.3.11

Michael Hurley, Jeff Ladouceur, Byron Coley




Lancés le 16 avril à Toronto (Tranzac)
et le 6 mai à Montréal (Sala Rossa).






Paroles de Chansons de Michael Hurley
The Words to the Songs of Michael Hurley
19 chansons calligraphiées par le chanteur
et traduites par Marie Frankland (Prix John-Glassco 2007).
Introduction de Byron Coley.
700 exemplaires réguliers en Offset.
100 exemplaires de tirage de tête avec couverture typographique
imprimée sur presse à bras par Kiva Tanya Stimac chez Popolo Press.
Tous les exemplaires sont cousus à la main par Julie Doucet.




Holy Moly de Jeff Ladouceur.
Pâles couleurs & noirs dessins.
Le retour du dessinateur le plus allumé de l'Amérique!





Byron Coley. C'est la guerre : Early Writings 1978-1983.
Bilingue, traduction de Marie Frankland.
Premières critiques de Byron Coley,
la naissance du punk américain en première ligne.
Articles sur David Bowie, Devo, Fred Frith, Lydia Lunch,
Meat Puppets, Hüsker Dü, les minutemen, Jim Morrison, etc.
Préface de Mike Watt.
Couverture dessinée et sérigraphiée par Simon Bossé.
750 exemplaires.



9.3.11

Naïvetés redoutables & timidités bouleversantes




La revue des animaux
était une bien jolie chose : un «terrain vague ouvert aux bêtes assoiffées de poésie». On y respirait un air frais qui ne se trouve pas tous les jours dans les revues de création, celui des «Naïvetés redoutables & timidités bouleversantes», comme le proclamait sa devise. Fondée en 1991 et animée par Maïcke Castegnier, ce «menstruel irrégulier» a connu à ce jour douze parutions dont un numéro «hors troupeau» non numéroté, le numéro «L'Animal rêve». J'écris « à ce jour» car la revue n'est jamais officiellement morte et a connu plusieurs sursauts. Au début photocopiée à quelques exemplaires, elle fut prise en charge phynancièrement par L'Oie de Cravan à partir du numéro 4 tout en continuant à être sous la poétique direction de Maïcke Castegnier.



Un site internet est un drôle de lieu virtuel qui se transforme d'une façon organique en égarant parfois, au fil des métamorphoses et des mues, certains des organes vitaux des bêtes qui l'animent. Il en est bien sûr ainsi du site de L'Oie de Cravan et c'est bien tristement que nous avions vu disparaître notre section consacrée à cette revue si importante à l'histoire de l'Oie. Des recherches ont été faites par des archéologues du virtuel grassement payés et nous avons eu le bonheur de voir réapparaître les numéros disponibles de La revue des animaux. Il en reste peu et ils sont ici : clic

(Images : Couvertures de numéros épuisés de la revue. Tout en haut, le numéro 4 avec une gravure de Maïcke Castegnier. Au centre, le numéro 3, couverture de Alain Néron, et le numéro 5, couverture de Richard Deschênes.)

6.2.11

6 février 2011

Le temps et sa géographie

Nous voici au deuxième mois de l'année. Déjà et encore, serait-on tenté de dire, tant on dirait qu'à Montréal février est un mois qui dure éternellement. Cette neige qui tombe, ces couloirs enfoncés que sont devenus les trottoirs, il semble qu'on ne les quitte jamais, qu'ils continuent leurs chemins de souterrains en passant sous l'été, sous les beaux jours, pour nous garder captifs de leurs parcours. Blanc et gris. Et puis, avec un peu de chance, une brisure de lumière. On les guette ces fissures, ces grands éclats qui sauvent le mois. On veut, pour l'encore et le toujours, le soleil des froids cassants, la seule, la grande joie des févriers.
L'impression de tunnel est renforcée parce qu'on travaille tête baissée. Il faut finir de mettre en page un livre qui n'est pas pour L'Oie de Cravan mais pour un éditeur de la France, les éditions des Vanneaux. Un engagement, important : c'est un ouvrage qui présente l'œuvre de Pierre Peuchmaurd. Y est reprise la présentation qu'en avait faite Laurent Albarracin dans Pierre Peuchmaurd, témoin élégant (L'Oie de Cravan, 2007) et une « anthologie portative » de textes essentiels du poète. Avec, en plus, un cahier photo, et des entrevues ; sur près de 300 pages, il y aura bien là de quoi prendre la pleine mesure de ce poète essentiel. Le livre devrait paraître pour juin. On invite à aller y voir de plus près.

En tête

Si une certaine tristesse accompagne ces jours, il faut savoir qu'elle vient d'un climat qui n'a rien à voir avec la saison : c'est d'un tout autre hiver qu'il s'agit, un hiver d'inertie. On a cru le voir se secouer les flocons, on n'a eu que déception. C'est que l'année avait commencé avec une superbe ruade : une lettre ouverte du poète Maxime Catellier adressée au critique Hugues Corriveau et au journal Le Devoir. Cette lettre nous avait semblé importante surtout pour ce qu'elle brassait du consensus paresseux du milieu de la poésie au Québec et aussi parce qu'elle pointait douloureusement l'absence de tout écho réel à l'existence d'une poésie dans le paysage médiatique du Québec. Nous l'avons publiée ci-dessous pour ces raisons. C'est une grande déception que de constater que nous avons été les seuls à le faire : aucune réaction de Hugues Corriveau, et, surtout, les gens de la rédaction et du Cahier Culturel du Devoir ont choisi de ne pas la faire paraître et de ne pas y donner le moindre écho. On me répondra qu'il n'existe pas de droit de réponse à la critique de poésie. Là n'est pas la question : Maxime Catellier adresse au journal et au critique des questions importantes pour les lecteurs de ce journal qui reste, bon gré mal gré, une des dernières voix relativement indépendantes du journalisme classique. Ceci est d'autant plus choquant que la moindre remarque négative d'un journaliste concernant l'Empire Québécor s'attire immédiatement une réplique d'un représentant dudit Empire publiée par Le Devoir sur plus d'une demi-page. Ainsi, pour avoir été égratigné par Gil Courtemanche dans une chronique récente, Pierre-Karl Péladeau s'est-il vu offrir tout l'espace voulu pour tenter d'écraser la punaise qui le démange.
Personne, et surtout pas le principal intéressé, ne nie que la réplique de Maxime Catellier lui est venue de s'être fait traiter cavalièrement par un critique. Mais il suffit de savoir lire pour constater que cette réplique touche de près à la question de la place de la poésie dans nos vies et, bien entendu, au Devoir. Et là, il y a quand même de bonnes questions qui se posent : pourquoi n'y a-t-il qu'un minuscule espace par trois semaines consacré à la poésie dans ce journal? Pourquoi n'y a-t-il qu'un seul critique, une seule voix, qui y est consacrée? Hugues Corriveau, peu importe ses goûts et opinions, n'a pas à porter seul l'odieux de cette situation. La lettre de Maxime Catellier, avec ses violences et sa belle sauvagerie, affirme haut et fort que la poésie est une nécessité vitale. On aimerait lire une critique où on sent cette nécessité, on aimerait lire un journal qui sache la reconnaître.


À venir

Heureusement, il y a le jeu. Le grand jeu et les petits. On s'aime, on sème des cailloux, on perd sa propre trace et on se retrouve. Voilà ce que j'appelle l'édition de poésie. Il y a donc de nombreux projets, histoire de jouer, histoire de ne pas renoncer. On peut annoncer, d'ores et déjà, certains recueils, de notre ami Patrice Desbiens par exemple et aussi d'un Robin Aubert qui va en surprendre plus d'un. Mais auparavant, un grand lancement à la Sala Rossa de Montréal pour nos trois livres les plus récents : Holy Moly, superbe recueil de dessins de Jeff Ladouceur; C'est la guerre, une anthologie bilingue des critiques de jeunesse du journaliste rock américain Byron Coley (où on retrouve les Minutemen, David Bowie, Jim Morrison, Robert Fripp et bien d'autres, attaqués ou encensés par un critique aux grandes dents qui a toujours écrit avec passion, en prenant des risques) et les Paroles de chansons de Michael Hurley, autre anthologie bilingue, cette fois d'une légende de la musique folk américaine, Michael Hurley, actif depuis la fin des années 60, encore méconnu ici. Il a écrit des centaines de chansons dont Hog of the foresaken et Werewolf. Un grand poète de l'Amérique. Pour le lancement, qui aura lieu le 6 mai, on pourra entendre Gabe Levine, Thomas Hellman, Loren Connors, Byron Coley, Jessica et Nadia Moss et plusieurs autres qui vont chanter, réciter : jouer, pour notre grand plaisir. On en reparle.

2.1.11

D'une année, l'autre

Il y a peu de critique de poésie au Québec. En ce domaine la pauvre année 2010 s'est terminée par la publication dans le journal Le Devoir d'un article de Hugues Corriveau qui commentait, entre autres, le recueil «Bois de mer» de Maxime Catellier que nous avons publié il y a peu de temps. On trouvera ci-dessous la réponse que Maxime Catellier a fait parvenir ce matin à Monsieur Corriveau et au journal Le Devoir. Cette réponse nous semble juste, surtout lorsqu'elle parle des enjeux réels de la poésie, de l'état actuel de la poésie et de la critique poétique : il nous apparaît cependant que c'est moins à Hugues Corriveau lui-même qu'il faut s'en prendre qu'aux conditions dans lesquelles on impose d'exercer ce métier. Le Devoir est peut-être le seul quotidien qui laisse encore une place à la critique de poésie. Il faut cependant voir laquelle : un seul critique, toujours le même, y a droit à un espace minuscule une fois toutes les deux ou trois semaines. C'est bien peu pour se dépatouiller dans la masse des recueils de poésie qui portent une logorrhée de «poèmes» sans être vraiment porteurs de poésie. Pour nous, bien évidemment, le recueil de Maxime Catellier est un livre d'exception qui porte, justement, cette rare poésie. Il est bien entendu que le texte qui suit est celui d'un homme en état de légitime défense qui arrive pourtant à toucher de près plusieurs questions essentielles quant au poème et à la place qu'il occupe en 2011. En le lisant on ne peut s'empêcher d'adresser mentalement à la critique la belle phrase de Breton : «Je veux qu'on se taise quand on cesse de ressentir».


Montréal, 1er janvier 2011

Cher critique de poésie,

Il y a longtemps que je m’étais promis de dire deux mots de votre travail, tant il me hérisse le poil des jambes à cœur de samedi. C’est vrai, le plus souvent, c’est votre papier que je lis en premier dans le canard du week-end. Une forme de masochisme que j’attribue davantage à l’inconscience qu’à la formalité. Et sans cesse, je me farcis ces phrases maladroites et supposément spirituelles, ces états d’âme à rabais, en me jurant chaque fois de n’y plus remettre les pieds. Je ne sais pas pourquoi je continue de vous lire, tant l’attente se fait dégoût aussi rapidement que l’éclair déchire le ciel.

Votre façon, appelons comme ça ce que vous pourriez être tenté de définir comme du style, consiste à citer des extraits des livres dont vous avez à parler – je n’ose pas dire que vous les lisez – et de faussement envisager l’ouvrage en question dans une filiation douteuse dont vous seul détenez les clés. Or, il se trouve que vous avez une piètre culture poétique, cernée par vos contemporains immédiats et nourrie par la fange désolante dans laquelle la poésie québécoise se complaît jour après jour. Une daube, oui. Harnachée à son système de bourses péremptoires, la poésie québécoise est un piteux exemple à l’heure actuelle de ce que l’on pourrait appeler la dictature de l’ambivalence. Repliée, petite, souffreteuse, elle parle à tâtons de ce qu’elle connaît trop bien; à savoir, le vague et le pseudo profond. Vous excellez d’ailleurs à en décrire les mécanismes, publiant des papiers dont la syntaxe déficiente et le contenu fantôme feraient passer Louis Ferdinand Céline pour un sain d’esprit.

Je suis bien sûr piqué par le traitement que vous faites de mon travail dans ce domaine, ayant déjà poussé le bouchon jusqu’à «diagnostiquer» (nous y reviendrons) dans mes poèmes «un penchant pervers pour les animaux», en raison d’un passage dans lequel je parlais «d’innommables chattes grises [qui] vont gésir dans les mêmes ruelles que le cadavre de la lune.» Je suppose que cette accusation à peine voilée d’un penchant zoophile n’était qu’une blague destinée à détendre l’atmosphère. Je ne l’entends pas de cette manière. Je vois surtout un vieil âne bourru, vous, qui tentez d’échapper à votre propre médiocrité en vous faisant passer pour un lecteur averti. Vous n’êtes pas ce lecteur. Vos commentaires sur la poésie, prestigieusement publiés dans le seul quotidien indépendant au Québec, font honte à la critique littéraire. Qui aura envie de lire de la poésie, en lisant vos affabulations saugrenues qui n’ont ni queue ni tête? Vraiment, c’est pour moi un mystère de vous retrouver, encore et toujours, à écrire sempiternellement le même papier, en changeant simplement les noms et en remplissant les guillemets par des extraits qui, le plus souvent, sont carrément sortis de leur contexte et ne servent que votre propos pétri d’égocentrisme et de mauvaise foi.

Si bien que je me demande, le plus souvent, s’il ne vaudrait pas mieux que vous n’écriviez rien du tout, et que tout ce qu’il reste de commentaire sur la poésie ne se résume aux conversations courantes. Le fantôme de Lautréamont n’est pas loin, et il se pourrait bien que nous ayons mal compris, dès le départ, sa volonté d’une poésie faite par tous. En tous cas, le critique n’a certainement pas à faire valoir son aptitude à poétiser dans un article portant sur une parution récente. Pour qui vous prenez-vous, vraiment? Je passerai sur votre propre activité dans ce domaine, tant on y rencontre à chaque page le spectacle ronflant du langage se prenant pour lui-même, une vieille littérature destinée aux pantins serviles qui utilisent la poésie pour se faire valoir. Non, la poésie n’est pas un succédané aux parties de cartes du dimanche après-midi, elle est un cri définitivement résolu à rompre les chaînes de la condition humaine. Il y a fort à parier que dans cette dernière considération, vous ne soyez pas à même de remonter le courant jusqu’à Antonin Artaud, vous qui psalmodiiez récemment sur l’intérêt des jeunes poètes d’ici pour le mouvement surréaliste, intérêt qui se résume de votre côté à croasser le mot «surréaliste» pour, semble-t-il, donner un tour savant à votre saut sans péril dans l’arène. Ne me parlez pas de surréalisme, par pitié, si dans cette formidable aventure humaine, vous ne voyez qu’un foisonnement métaphorique plus ou moins conséquent. Le surréalisme, dans ce qu’il révèle, trompe le regardeur avide de lumière dans ce qu’il occulte sans savoir au profit de la transparence. Vous êtes, à tous points de vue, ce borgne qui crève les yeux des voyants pour établir son royaume. Je trouve cela détestable et méprisant.

Évidemment, je ne vous ferai pas cachette que j’ai trouvé l’audace d’écrire cette lettre suite à la lecture de votre papier (René Lapierre et Maxime Catellier, cœurs troubles) sur ma plus récente parution, Bois de mer, chez L’Oie de Cravan éditeur. Tout en faisant mine de parcourir mes poèmes et d’avoir saisi l’essence du livre, vous faites fi de ses deux plus importants aspects. Premièrement, que ces poèmes sont accompagnés par des photographies, et de manière plus critique, que la structure de ce livre épouse, à la façon d’un miroir, celle de mon premier livre chez le même éditeur, intitulé Bancs de neige. Ne préférant pas vous mouiller en rejetant mon travail ou en en dénotant la qualité, vous avez simplement surfé sur ses mots en n’en tirant aucune substance. Les deux maigres paragraphes auxquels j’ai droit, et que vous auriez très bien pu consacrer au livre de René Lapierre, dont vous parlez d’ailleurs avec une insondable incohérence, m’ont fait penser aux deux paragraphes que vous avez négligemment écrits sur le livre de Robert J. Mailhot, Motel Éternité, dans un papier publié le 24 avril 2010, et qui portait sur Portraits de famille, un livre exceptionnel signé Jean-Marc Desgent.

Pareillement, vous mettez en parallèle l’œuvre d’un écrivain d’expérience avec celle d’un novice. Et de la même façon, vous évacuez rapidement le deuxième, dans le cas de Mailhot avec une cruauté étonnante. Que ce jeune poète se soit enlevé la vie le lundi suivant la parution de votre article ne vous incrimine en rien. Sachez que nous savons encore faire la différence entre le désespoir et l’insignifiance. Seulement, peut-être que l’insignifiance porte parfois la douleur à son point de rupture. Heureusement, je ne suis pas au bord du vide. Votre suffisance n’ajoutera pas son poids à l'asphyxiante vie que je mène, comme tous les êtres humains. J’ai, pour lui donner du souffle, une grande soif de liberté, ce mot que vous confondez probablement avec le droit de dire n’importe quoi, comme les pachydermes creux qui ont détourné un vers de Paul Éluard pour en faire un slogan proto-fasciste : LIBERTÉ! JE CRIE TON NOM. Non, nous ne sommes pas loin du totalitarisme, dans ce pays sans pays tristement meilleur que tous les autres. Vous, comme plusieurs, participez à sa faillite inéluctable.

Je vous ai fait parvenir mon livre, à votre demande, suite à une table ronde que nous avions partagée sur le plateau de l’émission Vous m’en lirez tant, sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada. Faisant fi de ma naturelle méfiance à l’égard de votre travail de critique bâclé et sournois, j’ai transmis votre souhait à mon éditeur. Sachez qu’à l’avenir, vous ne recevrez plus aucun de mes livres. Je vous tiens pour un esprit dénué de substance et incapable de vision. Jamais on ne pourra parler de poésie si on néglige de parler de la vie qui est en jeu dans tout travail de création. En plaquant votre grille bornée sur nos tentatives de déchiffrement du monde, vous vous comportez comme un curé de bas étage n’ayant rien d’autre à bénir que sa propre pauvreté sans vertu. Vous croyant médecin de la parole, vous diagnostiquez de faux cancers à des cœurs qui n’ont de cesse de battre contre les perspectives de plus en plus désolantes de ce temps.

Considérez vous soi-disant salué,

Maxime Catellier