31.12.09

Ne se rendre jamais

Voici donc les dernières heures, les dernières heures avant que tout ne recommence. On brasse à nouveau les cartes, on se laisse toutes les chances. Ce qui reste de l'année écoulée, nul effort ne sera nécessaire pour le sentir à nos côtés. Le bel amour gagné, les instants volés à la banalité et puis, il faut le dire, ce vide terrible : l'absence de Pierre Peuchmaurd. Pierre a laissé des textes, des poèmes, qui sont tout ce qu'il suffit de garder du monde : tout lui, nous tous à travers lui. Il faudra sans cesse y revenir pour revenir au monde. Ainsi de ce dernier livre publié, Le pied à L'encrier, dont Thierry Horguelin dit ici avec justesse la nécessité. Pour boucler la boucle et montrer la profonde cohérence intérieure que cet homme aura gardée toute sa vie, le texte qu'on trouvera ci-dessous est à ma connaissance le premier qu'il aura fait paraître, en juin 1966, dans «La revue de poche» que publiait alors Robert Laffont. Pierre a dix-sept ans, il est au rendez-vous. 

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LE RENDEZ-VOUS

Qu'on ne m'attende jamais
à mes rendez-vous illusoires.
Aragon

Tu étais revenue.
Dans l'odeur bleue des villes et le petit matin, à l'heure du premier train et du premier café.
Mon dieu, comme c'est banal.
Tu achètes L'Huma, tu souris à la pluie, froide et douce, douce et lasse.
Tu entres.
Tu enlèves ton manteau, tu secoues tes cheveux, comme un chien mouillé, comme l'herbe froissée.
C'est le premier matin venu, c'est le premier café venu. 
C'est toujours la guerre au Vietnam.
L'odeur des villes y doit être rouge.
Tu étais revenue.
Bien sûr sans prévenir, bien sûr sans raison.
Tu n'avais pas changé. Tes yeux un peu plus grands pourtant et ta voix lointaine.
Dans le miroir, en face, déjà tu t'installais.
C'est toujours la guerre au Vietnam.
— Ça ne s'arrange pas, dis-tu.
— Non.
— Tu ne me dis pas bonjour ?
— Si. Bonjour.
— Tu ne m'embrasses pas ?
Je t'embrasse.
C'est toujours…
Non, je ne suis pas surpris. Il y a longtemps que je sais qu'on peut tout attendre de toi, et que ce sera toujours la même chose. Il y a si longtemps que je n'attends plus rien. Rien que ce geste précisément, oui celui-là, que je sais que tu vas faire, et que tu fais mieux qu'autrefois. Celui-là ou un autre.

Mais je l'aimais d'être là, d'être belle et venue, d'avoir l'âge qu'elle avait, le nom qui était le sien, cette image de moi, si fausse et troublante, à quoi je me heurte et reviens sans cesse puisque tu la dis. Je l'aimais d'avoir cette voix-là pour me dire que c'est long la vie, qu'il fait froid dehors, trop pour elle, et puis cette boue, j'aurais dû prendre des bottes.
Je me regardais l'aimant dans les glaces. Ce n'était jamais le premier café, mais cette cigarette-là, vraiment c'est la dernière. Depuis le temps que c'est la dernière. Tu n'as pas encore compris.
Tu dis : «On devrait faire attention.» Je dis : «Oui. Bien sûr. Mais on ne sait jamais à quoi. À qui.» Tu dis : «Si. On sait.»
De quoi parlais-tu ?
Oui, tu aurais dû prendre des bottes. Et puis ça glisse moins.
Ne pas lui demander pourquoi elle est revenue. Elle répondrait : «Oh, comme ça.» Je dirais : «Tu fais toujours comme ça. » Elle répondrait : «Oui. Pas toi ?»
— Pourquoi es-tu revenue ?
— Oh, comme ça.
Tu vois bien. Tout est déjà dit. Il y a si longtemps que nous avons tout dit.
Tu étais revenue comme on se prend au piège des phrases en suspens.
— Ça va durer longtemps, là-bas ?
— Ça dépend.
— De nous ?
— Oui. Aussi.
Il nous reste au moins cela. Ils meurent là-bas, pour tuer nos silences.
Je t'aime.
— Je t'aime.
— Oui. Que veux-tu que je te dise ?
— Rien. Enfin…
Rien.
Ne pas, non plus, comme autrefois, lui demander de parler de nous. Elle dira : «Nous ? Ça n'existe pas. Tu sais bien.» Je dirais : « Oui, je sais. Ça n'existe pas. C'est bête.» «Non. C'est comme ça.» «C'est bête que ce soit comme ça.» «Non.»
— Ça n'existe pas, tu as raison.
— Quoi ? 
— Rien.
Quand apprendrons-nous donc à ne jamais revenir?

Elle était revenue.
Pour mieux voir dans les miroirs la gueule que j'y ferais, pour mieux lire dans ma main le tremblement des jours. Elle était revenue comme elle était partie : pour voir le temps passer.
Nous n'avions pas fini de parler du Vietnam.

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Merci à Benoît Virot d'avoir découvert et offert ce numéro de "La revue de poche" : que 2010 soit favorable à ses étonnantes initiatives!

7.11.09

7 novembre 2009

Le temps et sa géographie

Le temps est désertique, la géographie glaciale. Moins d'heures au jour, moins de jours à l'année, moins d'années à la… De la peur dans les rues, une peur bien enrobée, bien esthétique, approuvée par tout ce qui décide. On craint des virus, on craint des gens, on crie à la conspiration; on crie au loup mais il n'y a plus de loups, il n'y a que des rues vides balayées par le vent alors qu'on reste à la maison, la tête bien cachée au fond de l'écran. Restent pourtant aussi des occasions, de véritables tanières, des potions, des flammes qu'il faut savoir deviner. Restent, encore et encore, des dernières chances. Il va falloir savoir jouer, savoir garder sa lenteur, savoir sourire de tout ce qui fait peur et connaître la portée des gestes. Derrière le vide qui s'affiche, le monde est toujours là : c'est le pari qu'il faudra tenir.

En tête

Du monde et des sourires, on en a vu l'autre soir. On a lancé quelques beaux livres, Bérengère Cournut et Patrice Desbiens ont lu. Il y a plein de lancements de livres, et c'est heureux. Sans doute d'un intérêt inégal mais on peut se faire plaisir en songeant qu'ils sont parfois les moments privilégiés d'une certaine complicité, d'une certaine poésie, qui laissent loin derrière les prétextes commerciaux de l'activité éditoriale. Ce 28 octobre, les mots de Bérengère Cournut et de Patrice Desbiens parlaient du monde réel à de réels complices : c'est ça, la poésie certaine. Et le plaisir du métier d'éditeur.

À venir

On ne va donc pas s'en tenir là. Ginette Nault et Daniel Beaucaire, nos lointains imprimeurs, sont actuellement à l'œuvre. Sous leurs presses il y a une bande d'animaux humains dessinés par Simon Bossé, Bébête. C'est un tableau dur, juste et beau. Il y a aussi un livre qui donne le vertige, La Nuit sans fin, sept histoires pour occuper le jour, de Thierry Horguelin. Quelque chose comme un piège littéraire qui, en se refermant, nous mènerait enfin à l'air libre! Un piège qui sera présenté avec une magnifique photo d'Antoine Peuchmaurd en couverture. Nous allons de nouveau festoyer pour célébrer cela. On ne festoie jamais assez chez l'Oie. Ce sera très exactement en la taverne du Cheval Blanc, le dimanche 29 novembre. Débutant tranquillement vers les 18 h aux sons de la clarinette et de quelque jazz, on prévoit ensuite, vers 21 h 30, un certain rock avec le retour du groupe de musiciens dessinateurs Les Michels. On sait, en tous cas, que nos deux auteurs seront là. On se doute bien aussi que l'atmosphère sera des plus chaleureuses et permettra d'arracher une autre soirée aux froids! D'ici là, L'Oie se fera une tête de commis voyageur. D'abord les 14 et 15 novembre à Expozine, cette foire chaotique que nous aimons; puis du 18 au 23 novembre, au Salon du livre de Montréal, cette foire médiatique que nous aimons beaucoup moins mais où nous tenterons une première immersion, histoire d'aller voir si nos craintes étaient fondées. Fondées ou pas, il nous fera plaisir de vous y voir : si vous vous y risquez, venez nous porter des oranges!

14.10.09

Les apparences et au-delà : un triple lancement de L'Oie

Depuis juin L'Oie s'est activée à faire paraître une nouvelle collection. Elle s'appelle «Le fer & sa rouille» et propose des livres cousus main, non coupés, à tirage limité (200 exemplaires numérotés), tous du même format sous un carton de couleur différente pour chaque titre. Une telle collection unifiée est une première pour nous et nous avons voulu la chose le plus sobre possible, comme un écrin qui laisse toute place au texte. Il s'agit ici de courtes proses poétiques portant une déchirure sous l'écriture qu'il devrait être parfait de découvrir le coupe-papier à la main. Ce sont des livres bricolés, «gossés» : l'étiquette croche, le pli imparfait du carton, la numérotation incertaine, participent du charme d'un tel projet — du moins à notre œil indulgent. On le sait : les apparences ne sont jamais trompeuses. Cette collection devrait remplir ses promesses.


(Cliquez sur l'image pour agrandir)

Après un premier titre , «Cahier de neiges», lancé au tout début de l'été, nous lançons maintenant «Hourra pour Shane» du mystérieux Irlandais Shane Brangan et «Nanoushkaïa» de Bérengère Cournut. Cette dernière est connue pour être l'auteur de L'Écorcobaliseur, un livre étrange qui a reçu un bel accueil critique outre-atlantique.

Ces deux objets de fer et de rouille seront lancés en compagnie d'un livre attendu, le troisième du poète Patrice Desbiens à notre enseigne: EN TEMPS ET LIEUX 3 (Le dernier cahier) !



Nous allons donc célébrer comme il se doit ce triple évènement :

Mercredi 28 octobre 2009
à partir de 18 h et jusqu'à fermeture des portes
lancement de
Nanoushkaïa de Bérengère Cournut
En temps et lieux 3 (Le dernier cahier)
de Patrice Desbiens

& Hourra pour Shane de Shane Brangan

à la librairie Le porte tête
262, avenue du Mont-Royal est
en présence honoraire de nos délicieux auteurs
Bérengère Cournut (directement de France!)
Patrice Desbiens (directement de Montréal!)


Lecture à voix haute, claire et claironnante! Vin dégourdi qui fait bondir! Croustilles de première fraîcheur! Libraires de fantaisie! Barbus monogames! Danses subtiles de la sociabilité automnale! Chat perdu! Amis retrouvés!





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6.9.09

7 septembre 2009

Le temps et sa géographie

Voilà, à force de chemins de traverse, de sentiers s'estompant qu'il fallut deviner au flair et à l'œil, nous avons fini par traverser l'été. Pour une fois il fut luxuriant, riche de ces minuscules aventures qui laissent en bouche, après une nuit de bons rêves, un indéfinissable goût de boisés. Sans savoir précisément comment, il est à parier que les rêveries de l'été aideront à traverser l'hiver. On se guide comme on peut, parfois sur des étoiles fuyantes, d'autres fois sur le sol rêvé, désiré, que nous avons découvert sous nos pieds. Il est plaisant de poursuivre alors, de son plein gré, l'avancée.
Cet été est-il d'ailleurs terminé? Il semble que l'août veuille marcher lui aussi d'un bon pas jusqu'au cœur de septembre. On serait bien sot de s'en plaindre. Comme l'été, comme tout ce qui aime faire traîner le chemin, à L'Oie nous accusons un certain retard.

En tête

Il faut dire aussi qu'une de nos aventures nous a laissé  dans un état physique où il n'était plus possible de se plier aux exigences manuelles du métier d'éditeur : le mois dernier L'Oie a eu l'aile droite cassée, ce qui brise le vol et empêche l'utilisation des stylos, claviers et autres nécessaires outils de précision qui réclament la main. De bons soins, la dextérité d'un physiothérapeute, et voilà que nous pouvons à nouveau songer à faire des livres. Comme promis, ce sera d'abord en poursuivant la collection de petites proses poétiques Le fer & sa rouille amorcée ce printemps avec le Cahier de neiges de votre serviteur. Les semaines qui viennent verront donc la parution de Hourrah pour Shane de l'Irlandais Shane Brangan en édition bilingue et de Nanoushkaïa de Bérengère Cournut, dont les éditions Attila de Paris ont fait paraître le remarquable Écorcobaliseur l'année dernière. Encore une fois il s'agit de petites plaquettes cousues main au tirage fort limité. Une manière de nous faire particulièrement plaisir, de retrouver de douce façon le coup d'aile et l'envol. Presque simultanément nous nous remettrons à façonner des livres un peu plus épais bien que toujours aussi fins. Au bon endroit comme au bon moment, nous publierons l'ouvrage final de la trilogie poétique de Patrice Desbiens, le si bien nommé En temps et lieux 3.

Ce qui vient

Sans doute, rendu si avancé dans les temps et les lieux, qu'il faudra songer à fermer les yeux sur l'été, retenir le souffle pour affronter l'hiver. Nous aurons alors à vous proposer La nuit sans fin, sept histoires de Thierry Horguelin en forme de labyrinthes pour occuper le jour. Nous aurons aussi des bêtes de compagnie. Ce sera le grand retour du bédéiste Simon Bossé avec ses histoires animalières de Bébètes. Tout cela fera chaleur dans l'âtre. Et puis, il y a tout de même un soleil dans les glaces. S'il franchit le cap, si les jours se mettent à allonger après le solstice, nous pourrons vous parler plus avant de Byron Coley, de Obom et du musicien Michael Hurley. Pour l'instant, L'Oie se chauffe les pieds dans ce qui s'acharne de l'été.

9.6.09

Bouteilles pour le navire!


Le Bathyscaphe est un drôle de navire,
qui va au fond dès sa mise à flot
Ce n'est pas une raison pour ne pas célébrer celle-ci!
Vous êtes donc invités
JEUDI LE 11 JUIN à partir de 18h30

à vous joindre à nous au quai de
La librairie Le Port de Tête
262, avenue du Mont-Royal est, à Montréal
pour lever votre verre à la santé du
BATHYSCAPHE # 4
Le personnel de bord de la librairie
vous prouvera qu'il a le pied marin
et vous attendra en salle ou
dans la délicieuse cour arrière
pour voir à vos moindres besoins
- Vins de mer rouges!-
-Barbecue des boucaniers!-
-Rires et barbes à rabais!-

Tout pour vous plaire dans le domaine des libations, des lectures et de la bonne compagnie!

DE PLUS
Sera lancé le «Cahier de neiges» du co-capitaine Chaput,
publié par L'Oie de Cravan en tirage numéroté et limité!

Suivez l'air du grand large et joignez-vous à nous!
À bord du Bathyscaphe 4 on retrouve :
Jean-Yves Bériou, Simon Bossé, Daniel Canty, Geneviève Castrée, Benoît Chaput, Byron Coley, Louis-Philippe Côté, Bérengère Cournut, Hélène Frédérick, Sarah Gilbert, Joël Gayraud, Thierry Horguelin, Morag Kidd, A.J. Kinik, Julien Lefort, Anne Marbrun, Monsieur Moulino, Thurston Moore, Hermine Ortega, Antoine Peuchmaurd, Pierre Peuchmaurd, Hannah Reinier, PIerre Rothlisberger, Alexandre Sanchez, Barthélémy Schwartz, André Stas, Valerie Webber.

LE BATHYSCAPHE EST UN ESQUIF SANS PUBLICITÉ NI SUBVENTION!
C'EST VOUS QUI FAITES TOURNER L'HÉLICE !

CULTURE INACTUELLE - PLAISANTERIES DOUTEUSES- ÉQUIPE INTERNATIONALE

19.5.09

Le combat

Le printemps tarde mais ça n'empêche pas la terrasse du café d'en face d'être bondée. On attend, on espère — on s'agite inutilement. Je viens de retrouver un poème de Pierre qu'il avait envoyé sur une feuille volante. Il n'a pas de date mais est éternellement de saison.

GANT DE BOXE

Vent et poussière,
on le sait
aux terrasses des cafés
Ciel bleu poussière
et poussière sous les jupes
La pensée araignée
n'attrape que des mouches mortes

Et poussière aussi le sommeil
guerre et cendre sur l'oreiller
Le temps passe en cailloux pressés
en rocs plus lents l'après-midi

Poussière encore la parole
poussière les lèvres et les livres
la limonade vieille de l'été
Poussière le sang sur la chaussée
Le ventre des fiancées et des requins
poussière

Pierre Peuchmaurd

19.4.09

19 avril 2009

Le temps et sa géographie

Avril, et qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Pierre Peuchmaurd n'est plus présent. Sale temps, sale géographie. Le nord est perdu. Et pourtant on continue. Il ne l'aurait pas voulu autrement. Pour la poésie et par curiosité. La suite des choses, voyons-voir où ça va nous mener. On se plante un clou tout en haut de la boussole. Ça fait mal, mais on ne perd rien pour attendre : il y aura bien un moment où on pourra rire. On l'entend ce moment. C'est déjà toute une musique.

En tête

On aurait presque envie de s'y mettre tout de suite, à la rigolade. En effet, le Marché de la poésie de Montréal a annoncé son thème pour cette année : «Héritages du surréalisme». Allons donc! C'est à ne pas manquer. Une trentaine d'activités seront proposées sur le sujet, dont un colloque dirigé par Claude Beausoleil, une sommité. Tout cela est fort amusant. Une seule chose est certaine : rien de ce qui pourra se dire ou se faire dans un tel contexte n'aura le moindre rapport avec l'esprit de révolte qui fut et demeure au coeur du projet surréaliste. Mais ce qui fait moins rire, avouons-le, c'est de lire que L'Oie de Cravan va participer à un «Cabaret surréaliste». Là, je vous arrête tout de suite, messieurs dames : L'Oie de Cravan, sans se prétendre particulièrement «révoltée» ou «surréaliste», est une honnête maison. Nous ne ferons pas de «Cabaret surréaliste». Il y a des choses dont il vaut mieux ne pas trop se moquer. Après tout, il arrivera peut-être ce jour où le surréalisme le touchera, ce fameux héritage.  Pour rire, on va préférer cette compagnie.

Ce qui vient

On parle beaucoup de rire et de plaisir mais il n'y a pas que ça dans la vie, il y a le dur labeur de l'éditeur. À L'Oie de Cravan, on le sait, on se méfie du travail. Mais on aime bien faire des livres. Alors voilà en vrac ce qui vient. D'abord, fin mai, une petite plaquette d'un auteur pas trop connu. Il s'agit d'une nouvelle collection dont le nom est encore à trouver. Le livre, lui, s'appellera «Cahier de neiges». Ensuite, ce sera une seconde parution dans la même collection : l'excellent «Hourra pour Shane» de Shane Brangan. On prend déjà le risque de vous annoncer le troisième titre de cette collection pour l'automne prochain : «Nanoushkaïa» de Bérengère Cournut.  La même époque verra naître d'autres jolies choses : on parle de bandes dessinées de Simon Bossé, de Obom, de nouvelles de Thierry Horguelin, et même de poèmes du  fin Patrice Desbiens! On murmure qu'il y aura des livres du critique Byron Coley et du chanteur Michael Hurley. Mais ça, on n'ose le croire. C'est si loin demain et le chemin reste tout à faire. On se guide à la musique, à la toute petite musique rigolarde qui semble venir de là-bas. 

13.4.09

Et les choses, quelle durée ?
Pierre Peuchmaurd (1948-2009)

Mon ami est mort la nuit dernière. Ce n'est pas le temps de trouver le mot juste. Il y a des animaux qu'on ne saura plus reconnaître, des colères de grandes lames qui ont perdu leur manche, des raisons de vivre qu'on ne pourra plus invoquer. Il y a les mots laissés, pour faire lever le jour, pour retrouver le jour. Elle, naturellement, elle est venue par le poumon gauche.
Leur guetteur parti, les tourterelles de Brive, du Lot et de Corrèze, ne savent plus de raison à leur vol. Nous qui n'avons jamais su voler, nous n'en savons rien non plus. Et surtout pas comment dire notre désarroi. Finalement il n'y a que Pierre qui connaissait le mot juste.

ELLE VIENDRA PAR LE POUMON GAUCHE

Elle viendra par le poumon gauche
D'abord ce sera plus chaud
et ça irradiera,
je dirai que ça ira.
Ce sera comme la neige —
je déteste la neige —
comme une gorgée de café
quand le cœur n'en veut pas.
Et puis je refuserai.
De quelle taille, le refus?
Et les choses, quelle durée?
Plus qu'une rose, moins qu'une rose?
C'est comme ça qu'on compte
quand il y a cette écume,
tout ce joli sang rose
qui vous remonte aux lèvres.
On compte en oiseaux,
en cerceaux sur le pré,
en ruisseaux dans l'été
et en éternités.
On compte sur les doigts des femmes
et les cheveux des bêtes
qui ne tombent jamais dans le lavabo,
on compte sur le beau temps
qui vous ouvre la gorge.
Elles, comme on va mourir,
elles nous ouvrent leurs robes —
on y compte.
Et comme on va partir,
elles nous laissent leur adresse
et le soir les emporte
et on va dans les bois
où il y a l'hôpital.

(écrit vers 1994)

Pierre Peuchmaurd
Parfaits dommages et autres achèvements

10.4.09

les renards fuient quand on les rêve
les enfants ne risquent plus rien
et cependant la mort augmente
quand on approche l'orage s'éloigne

                             Pierre Peuchmaurd

3.4.09

Cargo culte

Le navire Bathyscaphe est encore peu visible, il passe sous le radar, bien en deça de la ligne de flottaison. Certains connaissent pourtant son existence et savent que sa cargaison a un goût différent de tout ce qui se trouve sur le marché. Le goût rare des choses oubliées ou pas encore inventées. Trois numéros publiés sont là pour témoigner d'une façon radicalement différente de voir la culture; loin des modes, du hype et du goût du jour. Cet étrange esquif, qui avance sans publicité ni subvention, a besoin de votre aide pour continuer ses explorations. C'est pourquoi nous organisons une fête bénéfice  afin de célébrer notre manque à gagner et remplir la citerne à dollars qui permet au sous-marin de sombrer en de satisfaisantes profondeurs!

Le lundi 13 avril 2009, venez nous rejoindre à la Sala Rossa de Montréal à partir de 20 heures. Il y a aura du boire, de affiches à tirages limités de Julie Doucet et Simon Bossé à vendre, et de la musique à revendre avec 

*** ¡ Jeremi Mourand ! ***

En prime exclusive
¡ Gaston Sanchez et son accordéon magique !

Tout cela pour la somme ridicule de 10 piastres à l'avance
 (billets disponibles à la Casa del popolo
ou, s'il reste des places, 12 dollars à la porte. 

L'équipage du Bathyscaphe est composé de Benoît Chaput, Hermine Ortega, Antoine Peuchmaurd, Alexandre Sanchez. Nos collaborateurs de ces derniers numéros furent Romy Ashby, Anne-Marie Beeckman, Daniel Canty, Maïcke Castegnier, Geneviève Castrée, Byron Coley, Bérengère Cournut, Marci Denesiuk, Clare Dolan, Julie Doucet, Hélène Frédérick, Sarah Gilbert, Joël Gayraud, Jimmy Gladiator, Claude Guillon, Thierry Horguelin, Julien Lefort, Gabe Levine, Morag Kidd, A.J. Kinik, Thurston Moore,  Nadia Moss,  Pierre Peuchmaurd, Hannah Reinier, Pierre Rothlisberger, Barthélémy Schwartz, André Stas, Mike Watt, Valerie Webber.

26.1.09

Apparition de Mandalian

À L'Oie de Cravan nous savons toute la valeur de Mandalian : c'est un monde dur que celui des affaires interlopes et sans sa présence notre maison n'aurait tout simplement pas su faire face à la musique. Mandalian s'active trop souvent dans l'ombre. Il était plus que temps de rendre visible son bien réel talent d'écrivain. Son premier livre est un polar rapide et précis, tranchant et dément. Ces sont les éditions Coups de tête qui ont l'honneur de rendre visible cette nécessaire violence. Nous les félicitons. L'objet est lancé ce soir, 26 janvier, à Montréal en la sombre taverne du Cheval Blanc rue Ontario. Ça commence à 18 heures et, pour Mandalian, ce n'est pas près d'être terminé. Tout libraire de valeur se fera un plaisir de vendre l'objet aux absents, malgré leurs torts.

Voici une fausse couverture : ce que cela aurait pu donner chez un autre éditeur qui doit se mordre les sangs d'avoir laisser passer ça.