4.12.15

4 décembre 2015



Le temps et sa géographie

Voilà que l'automne est terminé. Le jour se pointe pour quelques heures et puis disparait derrière les buildings. C'est l'approche du solstice. Une période de bilans, une période pour souffler un peu, pour se frotter les yeux.  On songe aux jours de lumière traversés, on se creuse une tanière pour l'hiver.  On songe aux ours de lumière qui traversent la nuit en gardiens endormis de la flamme.  Comment garder la flamme? Il y a une pluie froide au-dehors, le monde s'affole, le monde est sombre.  On dit que le secret des ours est dans le ralentissement. C'est une idée plaisante. 

En tête

L'Oie de Cravan est justement un oiseau d'une effroyable lenteur. Un battement d'aile peine à effeuiller le calendrier, le vol migratoire dure des années. Si on ne sait pas bien comment se dirigent les oiseaux, la route que suit une maison d'édition de poésie relève d'un mystère plus grand encore. Ou plus bête. Elle va à l'instinct bien sûr, mais ce n'est pas celui des animaux. C'est un instinct peu sûr de lui, qui se base sur le manque de certitudes même pour dessiner sa route. 24 années de traversées en posant des livres pour tracer le chemin. Un chemin un peu confus, bien sûr. Si chaque pierre délestée ne fait pas toujours le poids, il faut bien avouer qu'il y a des moments de grande fierté. Ainsi, depuis octobre,  L'Oie de Cravan a fait paraître des livres dont l'existence seule est déjà un réconfort. Des objets qui nous semblent beaux et bons. Je pense à Golden Square Mile, le roman d'amour déchiré de Maxime Catellier ; à Vallée des cicatrices, la présence toujours juste de Patrice Desbiens. Mais aussi à deux livres sortis en novembre, un peu en secret :  L'Hiver, hier, le magnifique récit de notre hiver comme seule la langue de Michel Garneau peut l'évoquer.  Et puis, Maman Sauvage, les premiers poèmes de la bédéiste Geneviève Castrée (sous son vrai nom, Geneviève Elverum). Il fallait des poèmes sans dessins et justes pour dire le corps et la tête dans l'attente d'un enfant. Neuf mois pour devenir complètement la maman sauvage.  La rage et la joie. Contrairement à notre habitude, ces livres n'ont pas eu droit à un lancement. C'est que ces auteurs vivent bien loin de tout. Ils ont raison d'être présents dans la distance. Chaque jour on s'y essaie. Pas facile, pour un bête oiseau.


À venir

Envie de dire : «À bas le temps des fêtes !».  Mais une petite fille à nos côtés aime trop les lumières qui brillent dans la nuit. On va donc dresser l'arbre, l'illuminer, et traverser l'hiver; comme l'ours, comme la petite fille, comme une fière oie qui se laisser porter.  Neiges, froids, souffles : on est prêt à se laisser glisser, à tout traverser. Jouer et regarder jouer. Myriam Gendron sera à la Casa del Popolo le 16 décembre pour son dernier spectacle de l'année, en compagnie des chics Damon & Naomi.  Puis, bien blottis, on préparera la saison prochaine : nouvelles de Thierry Horguelin,  poèmes de Sébastien B. Gagnon et de Hélène Frédérick, dessins de Edgar Hudon et bien d'autres choses. Mille et un monts et merveilles nous attendent de l'autre côté.