29.11.16

On ouvre un livre au hasard et on lit



Nous pouvons deviner pour quelle raison les surréalistes étendent le domaine de la poésie au-delà de toutes les limites qu’on lui assigne d’ordinaire. Le culte de la poésie s’est renforcé pour eux dans la proportion exacte où elle leur est apparue, de plus en plus clairement, comme un moyen de sortie, un outil propre à briser idéalement certaines limites. Dans la mesure même où elle s’identifie pour lui à “un esprit d’aventure au-delà de toutes les aventures”, Breton est perpétuellement tenté d’en déceler le surgissement partout où s’ouvrent pour lui les failles par lesquelles on peut espérer d’échapper à l’humaine condition. Elle triomphe dans la folie (l’Immaculée conception), étincelle dans le “hasard objectif”, dans la “trouvaille”, brille de tous ses feux dans “l’amour fou”, comme dans toute entreprise de libération de l’homme… Ce que Breton en vient à baptiser “poésie”, c’est tout fil d’Ariane dont un bout traîne à portée de sa main et promet de l’aider à sortir du labyrinthe. Est poésie tout ce qui “bouleverse”, tout ce qui “ravit”, du poème exaltant au “fait-glissade” et au “fait-précipice”.


Julien Gracq,  André Breton : Quelques aspects de l’écrivain.

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