19.8.03

19 août 2003

Le temps et sa géographie
Temps lourd et précipité depuis les fêtes du bénéfice, certains jours disparaissent rapidement, ce qu'on appelle des jours d'été. Fêtes magnifiques, trois soirées pleines à plaisir, remplies de quelque chose d'unique qui fait craquer. La phynance s'en est bien portée, le cœur aussi. Et maintenant, lentement, quelque chose s'infiltre dans l'air ; une fraîcheur, un réconfort commencent à ouvrir les soirées. L'août a franchi sa moitié, l'automne ouvre grand la bouche : adieu canicules meurtrières, on peut respirer. Et pourtant...

En tête
Il y a quelques heures à peine que l'on a retrouvé le corps de Roland Giguère flottant dans la rivière des Prairies. Tristes jours pour la beauté, pour la poésie : Marie Trintignant, Roland Giguère, comment dire ce que ces deux-là avaient d'essentiel et de semblable à mes yeux malgré la distance, à cause de la distance. Giguère, lui, savait franchir les distances entre deux mots, entre deux réalités : il savait nommer ce que tisse le sang qui passe d'un monde à un autre. Il était ce pont obligé qui sait « qu'il y a trois fois plus d'eau que de terre et que la terre est une bille noire ». Il est ce pont noyé dont nous resterons les obligés. Ceci est particulièrement vrai pour moi. Non pas parce qu'il eut la gentillesse de m'écrire ce mot qui devint la prière d'insérer du recueil le Démon familier, mais simplement parce qu'il a prouvé par toute sa vie qu'ici aussi, depuis une rue du Ahuntsic de mon enfance, on peut saisir le monde par la racine et le garder en soi. « Les animaux s'agitaient rugissaient, le ciel rougissait, la forêt vierge hurlait de douleur, le sable absorba autant de vagues qu'il put puis se noya, se laissa noyer à bout de forces, il n'était pas seul, NOUS nous étions seuls... » (Deux fois cité, c'est le Midi perdu de Roland Giguère.)

Ce qui vient
L'automne, l'hiver, le printemps, l'été. Oui. Et encore. Mais nous allons publier : d'abord ce Lochac si beau, si vieux, qui a trop tardé. Et puis sans doute Geneviève, la lointaine Castrée, qui nous fait durer de promesse en promesse. Mais nous, qui savons la lenteur, ne promettons rien.